LA PREMIÈRE ÉPÎTRE DE JEAN

05/06/2013 19:22
LA PREMIÈRE ÉPÎTRE DE JEAN

 

90-95 après Jésus-Christ
 
 

 

Titre

 

       L’épître a toujours porté le titre de « 1 Jean ». Elle est la première et la plus importante d’une série de trois lettres attribuées à l’apôtre de ce nom. Comme elle ne mentionne pas d’Eglise, de lieu ou de destinataire précis, elle est traditionnellement classée parmi les « épîtres générales ». Bien que certains éléments caractéristiques d’un courrier ordinaire de l’époque manquent dans 1 Jean (p. ex. l’introduction et les formules de salutation au début et à la fin), le ton personnel et intime de son contenu justifie pleinement le terme d’« épître ».

 

Auteur et date

 

       L’épître ne mentionne pas le nom de l’auteur, mais le témoignage de l’Eglise, témoignage de poids, cohérent et des plus anciens, attribue sa rédaction au disciple et apôtre Jean (cf. #Lu 6:13-14). L’anonymat de cet écrit confirme avec force sa reconnaissance par l’Eglise ancienne comme une œuvre de Jean: seul un homme de sa stature, connu de tous et hautement estimé en tant qu’apôtre, pouvait écrire avec une autorité aussi incontestable, en s’attendant à une complète obéissance de la part de ses lecteurs, et cela sans même devoir s’identifier clairement (p. ex. #1Jn 4:6). Il était suffisamment bien connu des destinataires de l’épître pour ne pas avoir besoin de mentionner son nom.

 

       Jean et Jacques, son frère aîné (#Ac 12:2), étaient connus comme « les fils de Zébédée » (#Mt 10:2-4), que Jésus avait surnommés « fils du tonnerre » (#Mr 3:17). Témoin et participant actif du ministère terrestre de Jésus (#1Jn 1:1-4), Jean faisait partie du cercle de ses intimes (avec Pierre et Jacques, cf. #Mt 17:1 ; #Mt 26:37). Outre trois épîtres, il écrivit aussi le quatrième Evangile, dans lequel il se présenta comme le disciple « que Jésus aimait » et qui était appuyé contre la poitrine de Jésus lors de la cène (#Jn 13:23 ; #Jn 19:26 ; #Jn 20:2 ; #Jn 21:7, #Jn 21:20). Il est aussi l’auteur de l’Apocalypse (#Ap 1:1).

      En l’absence d’indication claire dans l’épître, il est difficile de dater 1 Jean avec précision. Cependant, la fin du Ier siècle apparaît comme la période de rédaction la plus probable: selon une tradition bien attestée de l’Eglise, dans ses vieux jours l’apôtre vécut à Ephèse, en Asie Mineure, où il s’attela à l’écriture. Le ton de l’épître confirme cette supposition, puisque l’auteur donne l’impression d’être bien plus âgé que ses lecteurs (p. ex. « mes petits enfants » #1Jn 2:1,18,28). En outre, l’épître et l’Evangile de Jean font usage d’un vocabulaire et d’un style semblables (voir thèmes historiques et théologiques {==> "Jn 1:1"}). De telles ressemblances conduisent beaucoup de commentateurs à considérer les épîtres johanniques comme de peu postérieures à l’Evangile, et donc à les dater de la fin du Ier siècle. Par ailleurs, l’hérésie à laquelle l’apôtre s’oppose correspond probablement à une forme primitive du gnosticisme (voir contexte et arrière-plan {==> "1Jn 1:1"}). Or, celui-ci en était à ses débuts dans le troisième tiers du Ier siècle, durant l’époque d’active rédaction de Jean. Finalement, l’épître pourrait bien être antérieure à la persécution survenue sous Domitien (qui débuta vers 95 apr. J.-C.), puisqu’elle n’y fait aucune allusion. Il semble dès lors raisonnable de dater 1 Jean de 90-95 apr. J.-C. Sans doute écrit à Ephèse, le texte devait être destiné aux Eglises d’Asie Mineure sur lesquelles Jean exerçait son autorité apostolique.

 

Contexte et arrière-plan

 

       Malgré son âge avancé au moment de la rédaction de l’épître, Jean était toujours actif dans le ministère auprès des Eglises. Il était le dernier apôtre encore en vie, l’un de ceux qui avaient été les intimes de Jésus et les témoins de son ministère terrestre, de sa mort, de sa résurrection et de son ascension. Les Pères de l’Eglise (notamment Justin Martyr, Irénée, Clément d’Alexandrie, Eusèbe) nous apprennent que Jean vécut ensuite en Asie Mineure, à Ephèse, où il mena un vaste programme d’évangélisation et s’occupa d’un grand nombre de nouvelles Eglises tout en se consacrant à un important ministère d’écriture (ses épîtres, son Evangile et l’Apocalypse). Le témoignage de Jean, dernier apôtre vivant, faisait autorité dans les Eglises, et beaucoup se réjouissaient vivement d’entendre celui qui avait été en contact direct avec le Seigneur Jésus.

 

       Ephèse (cf. #Ac 19:10) était l’un des centres intellectuels de l’Asie Mineure. Comme l’apôtre Paul l’avait prédit plusieurs années auparavant (#Ac 20:28-31), de faux docteurs se levèrent au sein même de l’Eglise. Imprégnés par une atmosphère dans laquelle prédominait la philosophie, ils commencèrent à infecter l’Eglise par le biais de fausses doctrines et à pervertir les fondements de l’enseignement des apôtres. Ces faux docteurs défendaient de nouvelles idées qui furent connues plus tard sous le nom de gnosticisme (du mot grec signifiant « connaissance »). Paul avait mené un dur combat pour libérer les chrétiens du légalisme; le gnosticisme allait à son tour représenter l’hérésie la plus dangereuse pour l’Eglise des trois premiers siècles. Il est fort probable que Jean luttait contre des formes primitives de cette hérésie pleine de venin, qui menaçait de détruire les Eglises et les fondements de la foi (voir questions d’interprétation {==> "1Jn 1:1"}).

     Influencé par des philosophes tel Platon, le gnosticisme se faisait l’avocat d’un dualisme qui considérait la matière comme mauvaise par essence et l’esprit comme bon. Par conséquent, tout en accordant à Jésus certains attributs de la divinité, ces faux docteurs niaient qu’il ait réellement eu une nature humaine, et ce afin de le préserver du mal. Les gnostiques prétendaient aussi être les détenteurs d’une connaissance supérieure, une vérité suprême relative aux réalités profondes et connue seulement de leurs membres. Cette connaissance mystique de la vérité, qu’ils jugeaient supérieure même à l’Ecriture, n’était accessible qu’aux seuls initiés.

 

       Ainsi, au lieu de laisser la révélation divine juger leurs pensées, les hommes permettaient à leurs propres raisonnements de se poser en juges de la Parole de Dieu révélée (#1Jn 2:15-17). Cette hérésie adoptait deux formes fondamentales. La première soutenait que le corps physique de Jésus n’était pas réel mais n’avait qu’une apparence physique (théorie connue sous le nom de « docétisme », du verbe grec signifiant « paraître »). En réponse, Jean affirma sans équivoque la réalité physique de Jésus en rappelant à ses lecteurs qu’il avait été un témoin oculaire de sa vie (« entendu », « vu », « touché », « Jésus-Christ venu en chair » 1:1-4; 4:2-3). Selon la tradition (Irénée, IIe siècle), l’apôtre put avoir à combattre une seconde forme de l’hérésie: sous l’influence d’un certain Cérinthe, plusieurs croyaient que « l’esprit » de Christ était descendu sur l’homme Jésus au moment de son baptême mais l’avait quitté juste avant la crucifixion. Jean affirmait, quant à lui, que le Jésus qui avait été crucifié était bel et bien celui qui avait reçu le baptême au début de son ministère (#1Jn 5:6).

 

       De telles conceptions ne portent pas seulement atteinte à l’humanité de Jésus, elles sapent aussi la doctrine de la rédemption. En effet, Jésus devait être pleinement Dieu et pleinement homme (dans un corps physique) pour souffrir et mourir sur la croix en un sacrifice expiatoire pour le péché que Dieu pouvait agréer (cf. #Hé 2:14-17). La vision biblique de Jésus affirme sa pleine humanité autant que son entière divinité.

 

       La thèse gnostique selon laquelle la matière était mauvaise et l’esprit bon conduisit soit à la conviction que le corps devait être traité durement, et donc à une forme d’ascétisme (cf. #Col 2:21-23), soit à l’idée que le péché commis dans le corps n’avait aucun lien avec l’esprit ni aucun effet sur lui. Certains, particulièrement les opposants de Jean, concluaient que le péché commis dans le corps physique n’avait aucune importance; dès lors, l’immoralité devenait acceptable, le péché était nié (#1Jn 1:8-10) et la loi de Dieu déclarée sans valeur (#1Jn 3:4). Jean souligna la nécessité d’obéir aux lois de Dieu lorsqu’il définit le véritable amour comme étant l’obéissance à ses commandements (#1Jn 5:3).

      Les faux docteurs étaient caractérisés par un manque d’amour à l’égard des autres croyants, en particulier de ceux qui rejetaient leur nouvelle manière de penser (#1Jn 3:10-18). Ils amenaient ceux qu’ils étaient parvenus à abuser et à gagner à leurs vues à rompre toute communion avec les chrétiens demeurés fidèles à l’enseignement des apôtres. Cet état de fait conduisit Jean à affirmer que ceux qui se séparaient des croyants pour suivre de faux docteurs démontraient par là qu’ils n’étaient pas véritablement sauvés (#1Jn 2:19). De tels départs bouleversaient les membres de l’Eglise fidèles à la doctrine apostolique. Avec toute l’expérience de son grand âge, l’apôtre réagit à cette situation de crise en leur écrivant afin de les rassurer et de combattre une menace qu’il jugeait sérieuse. L’hérésie avait un caractère particulièrement pernicieux, et la situation était critique pour l’Eglise, qui risquait d’être envahie par de fausses doctrines. Pour mettre un terme à cette gangrène, c’est donc une lettre pleine d’amour et d’affection, mais cependant empreinte d’une autorité apostolique incontestable, qu’il fit parvenir aux communautés placées sous sa responsabilité.

 

Thèmes historiques et théologiques

 

       A la lumière des circonstances qui présidèrent à la rédaction de cette épître, le thème général de 1 Jean peut être défini comme un « rappel des fondements de la foi », ou un « retour aux éléments essentiels du christianisme ». L’apôtre traite de certitudes, non d’opinions ou de conjectures. Il exprime la vérité absolue du christianisme en des termes très simples, clairs, dépourvus de toute équivoque, qui ne laissent planer aucun doute quant au caractère fondamental de ces éléments. Le ton de l’épître est celui d’un père qui s’adresse à ses enfants dans une conversation tendre et intime; il est chaleureux et par-dessus tout rempli d’amour.

 

       La première épître de Jean est également une épître pastorale, qui émane du cœur d’un pasteur soucieux de ses fidèles. Tel un berger, Jean voulut communiquer à son troupeau certains principes élémentaires, mais néanmoins d’une importance vitale, pour les rassurer quant aux fondements de la foi. Il désirait les voir se réjouir des certitudes de leur foi au lieu de se laisser ébranler par les fausses doctrines et la défection de certains (#1Jn 1:4).

 

       Cependant, la perspective n’est pas uniquement pastorale, elle est aussi clairement polémique. Il s’agit autant d’affirmer que de réfuter. Jean s’oppose à ceux qui s’écartent de la saine doctrine, et il le fait sans une once de tolérance à l’égard des personnes responsables de pervertir la vérité divine. Ceux qui s’éloignent de cette vérité sont qualifiés de « faux prophètes » (#1Jn 4:1), de personnes « qui …  égarent » (#1Jn 2:26 ; #1Jn 3:7), d’« antéchrists » (#1Jn 2:18). Pour lui, il est clair que toute déviation par rapport à la saine doctrine est ultimement d’origine démoniaque (#1Jn 4:1-7).

    Le sujet principal de la fidélité aux fondements du christianisme est mis en valeur par la répétition constante de trois thèmes complémentaires: le bonheur (#1Jn 1:4), la sainteté (#1Jn 2:1) et la sécurité (#1Jn 5:13). En demeurant fidèles aux fondements de la foi chrétienne, les lecteurs de l’épître pourront pleinement goûter à ces trois fruits de la foi dans leur vie. Ces trois éléments sont par ailleurs révélateurs d’interactions essentielles caractéristiques de la véritable spiritualité telle qu’elle est présentée dans 1 Jean: une foi authentique en Jésus produit l’obéissance à ses commandements, une obéissance qui puise aussi sa force dans l’amour pour Dieu et pour les autres croyants (p. ex. #1Jn 3:23-24). Lorsque ces trois facteurs (une foi saine, l’obéissance et l’amour) agissent de concert, ils ont pour résultat le bonheur, la sainteté et une réelle assurance. Ils constituent la preuve, l’indice décisif, qui permet d’identifier un vrai chrétien.

 

Questions d’interprétation

 

       Les théologiens ne sont pas encore parvenus à un accord sur la nature précise des doctrines soutenues par les faux docteurs dans 1 Jean. En effet, Jean ne précise pas quelles sont leurs croyances; il choisit plutôt de les combattre en réaffirmant les vérités fondamentales de la foi. Comme nous l’avons souligné plus haut, la principale caractéristique de cette hérésie semble avoir été la négation de l’incarnation. Autrement dit, les faux docteurs prétendaient que Christ n’était pas venu dans un corps humain. Il s’agissait très certainement d’une forme embryonnaire de gnosticisme.

 

       Un autre défi se dresse devant le commentateur: le caractère rigide de la théologie de Jean. Celui-ci présente les principes de base ou les fondements de la vie chrétienne en termes absolus et non relatifs. Contrairement à Paul, qui faisait état d’exceptions et qui traitait souvent des échecs que pouvaient connaître les croyants dans leurs tentatives de respecter les normes divines, Jean ne s’intéresse pas à la question « que faire si j’échoue ». Ce n’est qu’en #1Jn 2:1-2 qu’il introduit une certaine nuance. Le reste du livre présente la vérité sur le mode du noir ou blanc, sans aucune zone de gris et bien souvent à l’aide d’une opposition frappante: « lumière » ou « ténèbres » (#1Jn 1:5, #1Jn 1:7 ; #1Jn 2:8-11), vérité ou mensonge (#1Jn 2:21-22 ; #1Jn 4:1), enfants de Dieu ou enfants du diable (#1Jn 3:10). Ceux qui se disent chrétiens doivent absolument manifester les caractéristiques de croyants authentiques: la saine doctrine, l’obéissance et l’amour. Les personnes réellement nées de nouveau ont reçu une nouvelle nature, qui témoigne d’elle-même. Si cette nouvelle nature ne se manifeste pas, c’est qu’elles ne la possèdent pas et ne sont donc jamais nées de nouveau. Contrairement à la plupart des écrits de Paul, le centre d’intérêt n’est pas le maintien d’une communion temporelle ou quotidienne avec Dieu, mais la question des tests à appliquer pour confirmer qu’une personne est véritablement sauvée. L’Evangile de Jean se caractérise également par l’énoncé de tels absolus.

     Un défi tout à fait particulier auquel se trouve confronté le commentateur de 1 Jean est la répétition de thèmes similaires, qui permet de souligner les vérités essentielles liées au christianisme authentique. Certains ont comparé le procédé à une spirale qui forme des cercles de plus en plus larges, de sorte que la même vérité trouve un champ d’application de plus en plus vaste. D’autres y voient plutôt un mouvement concentrique, qui pénètre de plus en plus profondément le même thème tout en développant la pensée de l’auteur. Quoi qu’il en soit, Jean répète les vérités fondamentales pour accentuer leur importance et pour aider ses lecteurs à mieux les comprendre et les retenir.

 

Plan

 

I. Les indices de l’authenticité de la communion  spirale I (1:1-2:17)

 

A. Le test de la doctrine (1:1-2:2)

 

1. Une vision biblique de Christ (1:1-4)

2. Une vision biblique du péché (1:5-2:2)

 

B. Le test de la morale (2:3-17)

 

1. Une vision biblique de l’obéissance (2:3-6)

2. Une vision biblique de l’amour (2:7-17)

 

a. L’amour qui plaît à Dieu (2:7-11)

b. L’amour qui déplaît à Dieu (2:12-17)

II. Les indices de l’authenticité de la communion  spirale II (2:18-3:24)

 

A. Deuxième partie du test doctrinal (2:18-27)

 

1. Les antéchrists quittent la communauté des croyants (2:18-21)

2. Les antéchrists rejettent la foi chrétienne (2:22-25)

3. Les antéchrists trompent les chrétiens fidèles (2:26-27)

 

B. Deuxième partie du test moral (2:28-3:24)

 

1. L’espérance purificatrice du retour du Seigneur (2:28-3:3)

2. L’incompatibilité du chrétien avec le péché (3:4-24)

 

a. L’exigence de la justice (3:4-10)

b. L’exigence de l’amour (3:11-24)

 

III. Les indices de l’authenticité de la communion  spirale III (4:1-21)

 

A. Troisième partie du test doctrinal (4:1-6)

 

1. La source démoniaque des fausses doctrines (4:1-3)

2. La nécessité d’une saine doctrine (4:4-6)

 

B. Troisième partie du test moral (4:7-21)

1. L’amour en tant que caractéristique de Dieu (4:7-10)

2. L’amour en tant qu’exigence de Dieu (4:11-21)

 

IV. Les indices de l’authenticité de la communion  spirale IV (5:1-21)

 

A. La vie victorieuse en Christ (5:1-5)

B. Le témoignage de Dieu en faveur de Christ (5:6-12)

C. Les certitudes chrétiennes fondées sur Christ (5:13-21)

 

1. La certitude de la vie éternelle (5:13)

2. La certitude de l’exaucement (5:14-17)

3. La certitude de la victoire sur le péché et sur Satan (5:18-21)

 
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